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L’Express a testé une retraite spirituelle au Foyer de Charité

16 mai 2017

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” J’ai tenté l’expérience d’une retraite spirituelle “

Article de Leslie Rezzoug, publié le 16/05/2017 – L’EXPRESS Styles

 

Très en vogue, les retraites spirituelles permettraient de faire une pause pour prendre le temps de penser à soi et se ressourcer. Notre journaliste Psycho, Leslie Rezzoug, a tenté l’expérience.

 

Lorsque nous avons évoqué, il y a quelques semaines, l’idée d’une retraite spirituelle à la rédaction, j’imaginais qu’il s’agirait pour moi de partir au soleil me reposer et méditer avec l’aide d’un gourou new age ou d’une coach en développement personnel. En faisant mes recherches, je me suis rendue compte qu’à coté de cette offre bien réelle, il existait des retraites d’un genre différent, focalisées sur le bien-être mais aussi sur une véritable réflexion personnelle.

“Venez à l’écart et reposez vous un peu”

C’est ce que proposait le Foyer de Charité de Tressaint, en Bretagne, près de Dinan. Animée par une communauté catholique, cette retraite serait “une halte pour le coeur et l’esprit”, comme en témoigne une phrase en exergue sur le site, issue de l’Évangile de saint Marc: “Venez à l’écart et reposez vous un peu”. Exactement ce dont j’avais besoin dans un quotidien souvent surchargé. Je décide d’appeler Honorine Grasset, la personne qui s’occupe des relations avec la presse pour la communauté. “Il s’agit de permettre à des personnes catholiques ou non de venir réfléchir sur eux-mêmes en silence, loin des sollicitations permanentes de notre société.”

Convaincue par cette description et désireuse de relever le défi du silence, je décide de me rendre à Tressaint. Je prendrais la retraite en cours de route en arrivant le jeudi au lieu du lundi. Dans le train, je commence à angoisser à l’idée de ne pas pouvoir communiquer avec les autres retraitants ou de ne pas pouvoir utiliser mon téléphone. Bref, je ne sais pas où je vais mettre les pieds et cela me fait un peu peur. Des appréhensions que la gentillesse d’Honorine, qui vient me chercher en gare de Rennes, dissipent durant le trajet. Alors que nous roulons vers le site, elle m’explique que la communauté réunit des “laïcs consacrés”, c’est-à-dire des personnes qui n’appartiennent pas au clergé mais ont fait voeu de dédier leur vie à Dieu. “Nous recevons chaque semaine, des personnes soucieuses de se retrouver. Cela peut aller d’une soixantaine à plus de cent personnes”, souligne Honorine alors que nous arrivons à Tressaint.

Manoir du Foyer de Charité de Tressaint

Une bienveillance spontanée

Le lieu est magnifique, un grand parc entoure un ancien manoir. Au loin, les paysages vallonnés appellent à l’apaisement. Il est 23h. Honorine me fixe rendez-vous pour la messe du lendemain matin, à 8h. Le réveil est un peu dur mais la curiosité de découvrir mon nouvel environnement prend le pas sur la fatigue. Autour de moi, beaucoup de soixantenaires mais aussi des jeunes d’une vingtaine d’années. Je repère immédiatement un jeune couple et une fille qui porte un sweat-shirt floqué d’un “Ne reste pas au seuil de ton âme”. Le ton est donné.

Après la messe, le petit-déjeuner se fait en silence mais bercé de musique classique. C’est une épreuve que je redoute mais qui, étonnamment, se passe très bien. Ne pas parler permet, presque paradoxalement, d’être plus attentif aux autres. On veille spontanément à savoir si le verre de chacun est rempli, on attend tout le monde pour manger. Des évidences que l’on peut avoir tendance à oublier auprès de sa famille ou de ses amis. On se sourit beaucoup aussi. Une bienveillance spontanée qui fait du bien. Je me surprends à manger beaucoup plus lentement, en prenant mon temps. Une expérience très agréable.

Nous nous rendons ensuite à notre “enseignement”: le prêtre Clément Ridart nous parle de la Bible, de la foi et de Dieu. Mais avant le cours, on chante. Si je comprends le plaisir des retraitants, je ne peux pas m’empêcher d’être un peu mal à l’aise face à la ferveur qui m’entoure. L’enseignement oscille entre évocations trop religieuses pour moi et réflexion plus large qui résonne avec la vie personnelle de chacun, comme lorsque le prêtre souligne qu’un bon choix se mesure au sentiment de paix et de joie que l’on éprouve lorsqu’on le fait ou quand il affirme que “le bonheur a toujours à sa source un don de soi à un autre”.

Apprendre à être dans l’instant présent

Après le déjeuner, chacun déambule dans le parc, se repose sous un arbre ou se promène dans les alentours. Même sans parler, on sent chez tous les retraitants une soif de paix, un besoin de penser à leur vie, de trouver des réponses. L’enseignement de l’après-midi me replonge dans le même état, entre incompréhensions sporadiques, intense fatigue et vrais moments de grâce. J’en discute un peu plus tard avec Honorine qui souligne que mon état n’a rien d’étonnant. “On met forcément du temps à s’extraire de son rythme, de la frénésie de notre quotidien. Cela peut fatiguer”. A la fin de la journée, je suis épuisée mais je me sens bien, centrée.

Le lendemain, la perspective des différents moments de célébrations dans la chapelle m’épuise un peu à l’avance mais je m’oblige à vivre l’expérience jusqu’au bout. Durant l’enseignement du matin, j’ai l’impression d’être sur des montagnes russes émotionnelles. L’après-midi est plus calme, j’essaye de me reposer. La beauté du site m’y aide beaucoup. Le temps est magnifique, il y a des chèvres en contrebas du site. Je réfléchis aux choses qui me pèsent. J’essaye de tirer les enseignements du père Clément et de me rappeler des choses qui pourront m’aider concrètement. Je réalise que je peine souvent à être dans l’instant présent, préférant me préoccuper d’un avenir incertain et forcément angoissant.

Un message simple qui fait du bien

Je me remémore aussi les conseils du père Clément sur l’importance de prendre son temps. Selon lui, il est bon d’être résolu dans nos motivations mais sans en faire trop. Les changements sur le long terme ne s’opèrent que lentement. Dans un monde où le bien-être passe souvent pour une injonction à la mode, où l’on se trouve nul si on ne se lève pas tôt, si on ne médite pas ou qu’on ne s’est pas mis au yoga, son message simple fait du bien. Le silence m’aide grandement à mener cette réflexion. Avec les autres, les barrières et les obligations sociales tombent. En ne se parlant pas, on fait fi des conventions de bon aloi où il est presque obligatoire de mentionner son métier ou son statut familial.

Le soir, réunis dans la chapelle, chacun est invité à dire quelque chose de personnel sur la retraite. Les messages sont émouvants mais je préfère m’abstenir. Le dîner, lui, est parlé. Une première qui ravit ma curiosité après deux jours à projeter sur les gens ce que j’imagine être leur vie. J’engage la discussion avec Sandrine, 42 ans. Cette mère de famille m’explique qu’elle est venue à la retraite pour avancer dans sa foi et se retrouver elle-même. Je ne peux m’empêcher de lui demander si elle n’a pas eu envie de faire autre chose par moment que de méditer, de regarder un film ou de se distraite avec un livre léger. “Non, rien ne m’a manqué, à part appeler mes enfants”, me répond-t-elle, sûre d’elle. Frédéric, un autre retraitant, avait tout de même pris son iPad avec Star Wars. “Je n’ai même pas eu envie de le regarder”, avoue-t-il.

“Une graine qui commence à germer”

Personnellement, je n’ai pas pu m’empêcher de consulter mon téléphone pendant ces trois jours, moins que d’ordinaire ceci dit. C’est toujours ça de pris. Je m’avance ensuite vers les plus jeunes membres de la retraite. A 26 ans, c’est une première pour Solène. Elle semble bouleversée par son expérience. “Il y a beaucoup de bruit dans ma vie, confie-t-elle. J’ai ressenti le besoin de m’arrêter. Ici, j’ai trouvé des clés pour prendre mon temps, d’être pleinement dans le présent. Je n’ai pas ressenti de gros changements mais c’est une graine qui commence à germer.”

Je me couche heureuse d’avoir pu dialoguer avec cette communauté de croyants et de retraitants particulièrement impliqués. Ils me semblent tous avoir trouvé le début de ce qu’ils étaient venus chercher. Alors que je reprend le train pour Paris, je réalise que je ne regrette pas l’expérience, même si elle a parfois été éprouvante, physiquement et nerveusement. Quant à la coloration très religieuse de la retraite, elle m’a permis d’en découvrir plus sur la foi catholique mais je pense qu’elle pourrait hérisser ceux qui ne se sentent pas à leur place dans un environnement religieux.

J’aurais fait, à Tressaint, une pause pour en découvrir plus sur moi-même et sur ma capacité à ralentir, ce dont je me croyais incapable. De quoi désormais avancer petit à petit pour une meilleure prise en compte de mes besoins, sans forcément céder aux sirènes de toutes les méthodes de développement personnel.

 

Leslie REZZOUG (Lire l’article dans l’Express Styles)